dimanche 20 mai 2007

680 - Les tourments de la chair

Madame,

Le souvenir de votre face poudrée, mais surtout de votre chair glorieuse, altère exquisément la mécanique de mon coeur hautain. Ce dernier se dérègle à la pensée de votre femelle éclat, et du repos des jours ordinaires il est passé à la plus canaille des agitations. Au début mes sens mis en éveil ne cessèrent de lutter saintement contre les tourments les plus vifs du désir. Mais très vite, incapable de gouverner mon âme en proie à ces feux grandissants ni de commander à mes humeurs, je n'ai plus pu opposer aucune résistance à la délectable oppression, et mes nuits se sont embrasées de voluptés et de honte...

Mon coeur, si je puis m'exprimer par cette métaphore, mon coeur disais-je s'enfle d'inavouable amour, et songer à vous ma mie, songer à vous en société me cause, et c'est bien fâcheux, une bien indiscrète renommée... S'il m'est aisé de voiler les secrets de mon âme en dignes présences, croyez bien qu'il m'est assurément moins commode de dissimuler les effets évidents d'une virilité naissante...

Sans que ma volonté n'intervienne, votre image hante mon esprit et mes pensées s'égarent sur les voies tortueuses de la sensualité... Pardonnez-moi de convoiter si hardiment votre hymen ma mie, mais la nature, si sage, si avisée m'a fait mâle, et son appel est bien difficile à mépriser.

J'ai beau aspirer au plus pur amour, à la plus chaste amitié avec vous, la réalité de mes sens ne m'épargne pas. A travers votre chère personne je ne vois non plus seulement l'admirable fille du couvent que dans mon idéal guindé j'aurais aimé que vous fussiez pour toujours, mais également la divine et lascive Vénus des peintres amoureux.

Vous m'inspirez de façon profane ma mie, et l'élan de ma plume mécanique (je veux parler de mon présent clavier) procède d'un feu semblablement brûlant. Entre le pinceau flatteur de l'artiste et cet écran d'ordinateur où vous lisez mes mots, une même cause dirige les passions.

Je vous en conjure, hâtez-vous de mettre un terme apaisant à ces flammes impures qui dévorent et mon âme et ma chair, secourez ce coeur et ce corps qui se consument en votre nom ! Pour mon salut et le vôtre ouvrez-moi vos draps, votre alcôve, puis accordez-moi le privilège de votre hymen.

Ou préservez-m'en à jamais.

Ne demeurez pas insensible à ma détresse, dans un sens ou dans l'autre agissez ! Libérez ma mâle vigueur de sa coupable tension, assistez ma chair égarée ou bien tuez dans l'oeuf cette sensualité grandissante, mais de grâce ma mie, rendez sa souplesse originelle à cet objet embarrassant devenu rigide à l'évocation de votre personne, donnez-lui une paix libératrice durable.

Ah ! Combien je comprends les tourments endurés par les cloîtrés ! Dire que toute la force d'une sainte âme se trouve confrontées, non sans faillir parfois, à la légèreté et au despotisme d'un mâle appendice... Vous semblez ignorer avec une véritable inconscience, vous les élues de la Tempérance, la puissance de ces démons qui harcèlent sans cesse le sexe fort. Nous les représentants de ce sexe dit noble, nous les chevaliers, nous les guerriers, nous les fils de Mars, si nous ne faiblissons pas face à l'épée qui se dresse en ennemie, si nous portons aux nues nos vaillances belliqueuses, pleins d'ardeur et de courage au combat, à vos pieds chéris nous déposons les armes et contre vos flancs irrésistibles nous nous abandonnons. A la vue de vos appas nous baissons les bras, déjà vaincus.

Je ne connais nul héros martial qui demeurerait sans appétence et tout de mollesse face aux attraits sinueux d'une bergère. Ne faut-il pas appartenir à la race des saints, ou des morts, ou bien à celle des inversés pour ne point succomber au venin de ces créatures qui tentent malgré elles cette moitié de l'humanité que nous représentons ?

Sachez tirer bon enseignement de ces ultimes confessions, et selon ce que vous en aurez conclu en vérité et justesse conformément à ce qu'il faudrait précisément en conclure, vous prendrez soin de me faire un édifiant accueil lors de notre prochaine entrevue, ma mie.

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