lundi 17 décembre 2007

767 - Réactions étranges lors de licenciements économiques

Aux informations télévisées on voit souvent des reportages au cours desquels des ouvriers se font licencier de leur usine. Ils sont toujours graves, en colère ou hébétés. Certains pleurent.

Je n'ai jamais compris leur affliction. Pourquoi se mettent-ils donc dans un état pareil devant une si heureuse nouvelle ? Il y en a même qui se suicident. Sont-ils devenus fous ?

Non vraiment je ne les comprends pas. Moi à leur place je serais HEUREUX de me faire licencier de la sorte. Heureux. Enfin la liberté ! Avec quel bonheur je tirerais un trait définitif sur l'usine qui pendant tant d'années m'aurait aliéné, abruti, empêché de vivre ! Je me sentirais des ailes. Eux, non.

Un licenciement, n'est-ce pas une heureuse nouvelle pour un ouvrier ? N'est-ce pas la promesse d'une existence débarrassée de chaînes héritées parfois de plusieurs générations ? Et d'ailleurs pourquoi montre-t-on toujours du doigt les "méchants licencieurs" ? Quel mal y a-t-il à licencier des travailleurs ? Non seulement licencier un ouvrier c'est donner la liberté à un oiseau qui, de toute sa vie, n'a connu que la cage et qui, depuis le nid, a subi l'enfermement mental pour raisons strictement économiques, mais en plus c'est lui accorder un consistant pécule pour un nouveau départ ! En effet, les patrons qui licencient rendent leur liberté et leur dignité à ces hommes en leur octroyant en plus des indemnités de licenciement.

Et, eux, ils pleurent, enragent, désespèrent, se suicident.

Comble du bonheur, comme si cela ne suffisait pas ils ont, en outre, le droit de toucher des allocations de chômage pour vivre pendant des années sans devoir aller travailler loin de chez eux en affrontant le froid matinal et la pluie du soir. Alors qu'ils ont trente, quarante, cinquante ans, ils peuvent enfin pour la première fois de leur vie se lever le matin sans se soucier d'aller gagner leur pitance dans des endroits sales, bruyants, dangereux... Et ils ne sont pas contents !

Ce n'est pas tout : certains parmi eux qui avaient misé sur leur usine-providence pour recevoir pendant trente-sept ans un salaire mensuel qui devait surtout servir à rembourser leur ignoble maison Phénix s'étaient déjà endettés avant même leur licenciement, parce qu'en plus de leur maison Phénix ils avaient eu d'autres envies : grands écrans plats, grosses voitures "comme-celle-du-patron". Mis au chômage, ils pourront faire une demande d'aide pour sur-endettement et ainsi soit abandonner leurs rêves ineptes et coûteux de minables, soit les faire payer à l'État.

Personnellement, avec le peu d'expérience professionnelle que j'ai accumulée dans ma longue carrière d'esthète, les meilleurs moments vécus sur mes lieux de travail n'étaient pas quand on me donnait ma paye, non pas quand j'écoutais avec mon coutumier dédain les inepties des collègues parlant de leur voiture ou de leurs points-retraites, pas même quand je me restaurais à la cantine, non... Les meilleurs moments vécus sur mes lieux de travail étaient ces instants cruciaux où l'on m'annonçait mon "licenciement" en raison d'inaptitude, d'incompétence ou de désintérêt pour mon poste.

A chaque fois c'était, pour moi, un immense soulagement. Une inexprimable sensation de liberté retrouvée. Un sentiment de bien-être extrême, comme une respiration libératrice, un poids énorme que l'on me retirait. A chaque fois qu'un patron m'annonçait que je devais cesser de travailler pour son entreprise, je me sentais renaître, voler, aimer, vivre !

Et encore, on ne m'a jamais accordé le moindre dédommagement lors de ces sorties forcées du circuit professionnel. J'étais heureux, pourtant.

Comment se fait-il que ces ouvriers pleurent et vont même jusqu'à se suicider sous prétexte qu'ils ne reverront plus jamais leur usine alors qu'ils ont tout avantage à la quitter ?

En fait c'est moi qui dois me tromper... Ce n'est pas possible, ils ne peuvent pas être malheureux parce qu'on les a licenciés de leur usine. Je dois me tromper...

Je crois plutôt qu'ils pleurent de joie et se pendent par amour.

3 commentaires:

  1. Ce texte aurait mérité, je pense, des propos plus acerbes, plus fouillés pour lui insufler la volonté du sarcasme.
    Seul le final m'a amusé.

    Marie l'Ange

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  2. (Enfin la liberté !)

    C’est peut-être ça le problème. Cette liberté ils ne sauraient pas trop quoi en faire, c’est comme se retrouver face à un vide et se demander comment le combler.
    Alors à défaut d’être millionnaires, beaucoup ressentent le besoin de ritualiser leur quotidien, organiser leur vie en tranches horaires, d’avoir un train-train quotidien réglé comme une horloge mais qui rassure. Quels sont ces rituels ?
    bah le transport, boulot, famille, les repas à heures fixes, les départs massifs en vacances en juillet-aôut telle une migration de gnous…c'est comme les personnes atteintes de TOC, trouble obsessionnel compulsif, qui ne se sentent mieux qu’après avoir accompli le rituel de se laver les mains au moins cent fois par jour, ensuite ils peuvent dormir tranquille avec le sentiment d’une journée bien remplie, puis d’une vie bien remplie à leur vieillesse. Pour illustrer cela, lors de mes missions d’intérim, j’ai même connu une femme fonctionnaire, devenue cinglée à la retraite, qui ne pouvait s’empêcher de se rendre à son ancien lieu de travail et y errer comme un fantôme : cas véridique.

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  3. oui la fin m'a fait rire aussi!
    je parcours ton site. Salutation

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