mercredi 16 mai 2007

253 - Belle et cruelle

C'était une diablesse.

Personne ne l'aimait, tous les hommes l'adoraient. Elle était méchante, perverse, adorable, irrésistible : un coeur de silex et des doigts de fée, des yeux de biche et une langue de vipère, un corps de vestale et du venin dans les veines.

Elle était faite pour le mal et l'amour, pour les larmes et les plaisirs. Elle avait le sourire ingénu, l'oeil aguicheur, la voix suave... Et du sang sur les mains.

Elle brisait les coeurs autant que les os de volaille sous ses dents. Chez elle le sourire chaste se changeait vite en propos carnassiers. Ses amants étaient ses jouets. Son jeu favori : casser les mâles pantins qui se traînaient à ses pieds. Elle était si belle qu'on lui pardonnait tout. C'était une Diane sans coeur qui chassait pour le plaisir de tuer. L'amour était son passe-temps impitoyable. Elle abusait de son charme, servant la cause de son âme sans foi ni loi.

Sa beauté était ensorcelante, maléfique. Avec ses regards félins, ses allures d'orientale et ses savantes roucoulades, elle mettait le feu dans les maisons paisibles, semait la discorde chez les honnêtes gens, faisait tourner la tête aux étudiants, détournait du droit chemin les jeunes époux, faisait manquer la messe aux plus encrassés des vieux garçons...

Elle aimait pour mieux tromper, bafouer, blesser. Elle corrompait les corps par vice, ruinait les coeurs par plaisir. Ses amants lésés ne cessaient de chanter ses grâces. Ils souffraient avec joie ses caprices, la chérissaient avec ardeur, la servaient avec zèle. Tous l'adoraient et chacun la maudissait.

La belle était vraiment cruelle. Mais la cruelle était si belle...

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