jeudi 17 mai 2007

433 - Défense de la sottise

La sottise est le dernier rempart efficace contre la suprématie inique des beaux esprits qui ne gagnent leur cause qu'avec la lâche, fourbe, insidieuse subtilité de leur pensée.

L'intelligence est torve, sinueuse, secrète. La sottise est franche, directe, claire. L'intelligence aime les énigmes, se complaît dans le mystère, se masque avec éclat. La sottise méprise l'obscurité, fuit l'hermétisme, se dévoile sans ambages. La sottise n'a rien à cacher, rien à prouver, rien à vendre, tout à perdre. Donc rien à gagner. L'intelligence caresse, séduit, convainc avec des fioritures de langage. La sottise cogne. Elle n'use d'aussi vains détours indignes de tout bon sot qui se respecte.

Le sot aime les carottes, les navets et les soupes chaudes. Le bel esprit ne se préoccupe que d'affaires qui ne se mangent pas. Et qui vient se plaindre de crever de faim quand vient la bise ? Le sot ne porte pas le regard plus loin que son sillon. Le bel esprit le raille. Et qui vient crier famine l'hiver venu ? Le sot n'argumente pas, il frappe. En cela les faits lui donnent toujours raison, la loi en vigueur ici-bas étant celle du plus fort.

Les sots ignorent l'alchimie étrange de la terre mais eux au moins y font pousser patates, poireaux, tomates. Les sots ne savent rien des mystères cosmiques, mais ils ont de quoi tenir l'hiver. Ils n'ont rien dans la tête mais tout dans les poings.

Les sots n'ont pas d'amis mais plein de bois pour leur feu. Ils sont seuls mais heureux de l'être. Ils sont dépourvus d'intelligence et sans malice, sans ironie, sans vanité peuvent s'en vanter.

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