jeudi 17 mai 2007

440 - Ernestin ou le sexe fort

Il ne jurait que par les femmes couillues : Ernestin aimait les ogresses. Lui-même terrassier de délicate constitution, il avait la prétention de faire ployer les créatures faites de bois dur. De sa voix de fausset Ernestin adressait ses galanteries à de musculeuses fermières, à d'indociles maîtresses de maison, à de viriles bûcheronnes.

Certaines riaient de bon coeur de ce frêle homme au discours si hardi. D'autres raillaient plus férocement ce petit mâle prétentieux se livrant non seulement à des travaux de force, mais encore à de ridicules séductions. Alors Ernestin piqué au vif, l'oeil égrillard, prenant des airs de coq, se faisait fort de prouver sa vigueur à ces dames de chêne. Et c'était chose inouïe que cet organe qu'il leur présentait aussitôt ! Avec son manche de pioche entre les mains, Ernestin le terrassier chantait comme un rossignol.

Il les captivait littéralement avec son bel appareil vocal. Gorge déployée, empoignant avec fièvre son instrument de travail, Ernestin poussait, forçait la voix pour mieux séduire son auditoire de colosses. Il chantait à tue-tête, et bientôt les matrones s'attendrissaient.

Elles demeuraient longuement auprès de ce gallinacé au si beau panache. Jusqu'à ce que, lui-même épuisé par ses roucoulades savamment modulées, finisse son récital en apothéose, se répandant en longs jets phoniques, crachant son cocorico ultime le coeur battant, les tempes humides, sa hampe à la main.

Ernestin le gracile, terrassier à la pioche infatigable, pouvait se targuer d'honorer les fortes dames de son bec mélodieux.

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